Saverio LUCARIELLO (1958-2023) Vente d’atelier
Photographies
Sculptures
Tableaux
couvrant la période de 1986 à 2019
Saverio Lucariello est remarqué au sortir de l’école des Beaux-Arts de Naples par le critique d’art contemporain
Achille Bonito Oliva 1 qui le présente dans un accrochage collectif avec neuf autres artistes.
En 1986, l’artiste installe à Paris ses œuvres aux cimaises de la galerie Antoine Candau.
Après une exposition personnelle à Castres en 1988, l’artiste est invité à investir la cour du Musée Carnavalet
en 1991. Un autre critique d’art Bernard Lamarche-Vadel loue son emprunt intuitif à l’arte povera, au
minimalisme américain et son apport à la trans-avant-garde italienne.
Par la suite, l’artiste exposera à la Galerie Loft, galerie Janos, galerie Philippe Rizzo…
En 1995, Lucariello sera présent à la Biennale de Venise sous la houlette de Jean-Yves Jouannais.
1996 marque le début d’une collaboration avec la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois qui durera près
de 15 ans.
En 1999, avec pour curateur Harald Szeemann, Lucariello expose à la Biennale de Venise sous la forme d’un
nouveau média, la vidéo, preuve de l’aspect protéiforme de son expression artistique.
Près de 40 expositions personnelles et le double d’expositions collectives ont amené l’artiste aux quatre coins
de l’Europe en passant par Philadelphie en 1999 et par New York en 2013.
1 Achille Bonito Oliva a théorisé en 1979 dans la publication Flash Art le concept de la trans-avant-garde italienne qui a eu
des répercussions en France, en Allemagne et aux États-Unis.
Notons ses deux dernières expositions, celle de la Galerie Christophe Gaillard en 2019 et celle du Centre d’art
contemporain à Meymac en 2020, où se côtoient tableaux, sculptures et installations vidéo.
En 2024, une rétrospective consacrée à Saverio Lucariello est prévue à l’Abbaye Saint André, Meymac sous
l’égide de Caroline Bissière. Le prêt de certaines œuvres présentées dans notre vente sera demandé dans le
cadre de cette exposition.
Une monographie consacrée à l’artiste est en cours par Olivier Kaeppelin aux Éditions Lord Byron.
LA VENTE
L’entier contenu de l’atelier de Saverio Lucariello sera dispersé le mardi 26 septembre 2023 à l’Hôtel Drouot,
salles 14 et 15.
Deux jours d’exposition précéderont la vente : le samedi 23 et le lundi 25 septembre.
La vacation est composée d’une centaine de photographies qui seront toutes présentes lors de l’exposition à
l’Hôtel Drouot, d’une centaine de tableaux et d’une trentaine de sculptures en terre cuite émaillée.
Afin de permettre une meilleure compréhension de l’œuvre peinte et sculptée, le catalogue suivra l’ordre
chronologique des créations.
Au regard de la taille des œuvres, certaines seront vendues sur désignation.
Pour les œuvres non signées, un cachet d’atelier sera apposé.
Nous avons choisi de ne pas mentionner de fourchette d’estimation préférant n’indiquer que la mise à prix de
chaque lot. Ainsi nous respecterons mieux l’esprit de cette création qui ne doit rien aux cotations.
Maître Yann LE MOUEL commissaire-priseur
7 rue de Provence 75009 Paris
01 47 70 86 36
contact@yannlemouel.com
www.yannlemouel.com
Charlotte BARTHÉLEMY, experte en photographie
17 rue Drouot 75009 Paris
06 30 35 31 43
contact@charlottebarthelemy.com
www.charlottebarthelemy.com
Marc OTTAVI, expert en tableaux et sculptures
12 rue Rossini, 75009 Paris
01 42 46 85 18
contact@expertise-ottavi.fr
www.expertise-ottavi.com
Passé cette limite votre ticket d’art classique n’est plus valable.
Ne cherchez pas dans l’œuvre de Saverio Lucariello une référence à l’art gréco-romain basé sur un ordre
exaltant la beauté classique.
Lucariello s’est éloigné de l’Olympe et du culte d’Appolon pour se tourner vers Hermès, certes messager des
Dieux, mais tel Janus offrant deux visages, l’un bienveillant, l’autre dissimulateur, voleur et adepte des
tromperies. En cela cette divinité se rapproche-t-elle des hommes en ce qu’ils portent en eux de parts
d’ombres, de faiblesse et de vanité. Dans l’un de ses visages, Hermès, avec malice, s’amuse des mystifications
et subterfuges, autant qu’il s’agace de la loi et de l’ordre et s’ennuie avec le bon goût et la vérité.
Loin des récits d’Homère et des prouesses d’Achille exaltant l’héroïsme, Lucariello a un goût pour le théâtre
incongru du quotidien, la représentation du banal.
Lucariello choisit la transcendance de l’ordinaire, de la vie courante, juxtaposant ou créant des objets et images
que rien ne lie, les traitant par l’absurde, la maltraitance ou la dérision.
Sans doute tient-il cette attirance pour la bizarrerie de sa jeunesse napolitaine où à chaque passage d’année
s’applique une coutume séculaire : vers minuit, les habitants jettent des fenêtres tout ce qui encombre leurs
appartements : casseroles, poêles, matelas, chaises, voire armoires… Malheur à celui qui se promène ce soir-là
en bas des immeubles ! Au matin, les rues sont jonchées de débris offrant le spectacle d’un débarras exutoire
de la vie quotidienne.
Lucariello est un artiste hermétique dans le sens où la compréhension de ses œuvres nécessite une volonté
d’implication, voire d’immersion. Lui-même se définit comme « conceptuel, surréaliste, baroque et ringard,
pataphysique et poétique ».
On remarque que chaque période engendre un mouvement artistique qui s’appuie sur un concept associé. Le
surréalisme a été caractérisé par l’utilisation de l’inconscient et du rêve libérés du contrôle de la raison. En
1924, André Breton, dans son manifeste, prônait la substitution de toute préoccupation esthétique ou morale
par la représentation de l’indicible et d’une pensée qui laisserait libre cours à nos rêves d’enfant.
Dans une création protéiforme utilisant tant peinture, installations, photographie, vidéo que sculpture,
l’organique prédomine.
La conception de la photographie et de la vidéo diffère du prisme auquel Lucariello recourt dans sa peinture.
Dans ses prises de vue photographiques, l’artiste s’exerce à une mise en scène complexe à laquelle lui-même
participe en y introduisant son portrait ou une partie de son anatomie.
En 2005, la critique d’art Danièle Yvergniaux décrit avec justesse les créations picturales des années
précédentes : « des peintures puissantes, étranges, figurant des masses informes, ressemblant à des outres ou
des calebasses reliées par des sortes de viscères, tracées à traits épais au graphite et à l’huile. »
La nature de ces masses colorées en aplat n’est pas expliquée par l’artiste, même si ces formes semblent
nourricières, proliférantes et en constante métamorphose. C’est bien l’exercice voulu par Lucariello que cette
figuration dépende pour l’interprétation du bon vouloir de chaque spectateur et que nul n’y voie la même
chose.
Dans les toiles des années 2000, ces formes organiques prolifèrent et s’associent avec d’étranges figures, ni
enfants ni adultes, qui semblent alors reliés à leur propre placenta. Naissent des compositions imagées à la
Jérôme Bosch, où des personnages cohabitent avec leur matrice originelle placentaire, obligeant corps et
fonctions intérieures à vivre ensemble leur destin.
Le Transi de Ligier Richier (1545), né de la volonté de René de Chalon, préfigurait déjà quatre siècles
auparavant cette alliance du corps et du cœur, réunissant l’intérieur et l’extérieur en une seule représentation.
Chez Lucariello, le mélange est plus trivial, plus intime, de fait plus réel et humain, accordant aux deux entités
la même place dans une représentation figurative sans lyrisme.
La sculpture de Lucariello combine dérision, abondance, grotesque, entrelaçant sérieux et comique dans une
truculence rabelaisienne et jubilatoire. Sous forme d’autoportrait, l’artiste se met parfois en scène, donnant à
son visage une apparence de membre de la Commedia dell’arte égaré au milieu d’une nature morte baroque
composée de fruits, de poissons, de coquillages où se greffent à l’occasion fesses ou autres intimités.
Les installations de Lucariello font le grand écart. Sur un fauteuil en toile de Jouy (1996) se déploie une forme
exponentielle et exubérante qui n’est pas sans rappeler l’aliment blanc de Robert Malaval. Plus loin et plus tard
deux Venus néoclassiques se font effleurer par une pilosité chatouilleuse (2008). Parent du cube noir géant
vidéo toutes faces, un cube doré (2008) en impose par sa majesté et son embonpoint.
Bref, une logique d’enfantement en zigzag qui passe par le minimalisme, l’accumulation et le baroque.
Marc Ottavi